Il y a des mamans qui pratiquent leur maternité comme un métier. Il est temps de les reconnaître. Selon moi.
Elles sont les patrons et leurs enfants sont leur travail. Elles abordent la maternité autant d'un point de vue affectif que technique, en se documentant et en mettant en place un système éducatif précis qui correspond à leur famille. Comme j'en fais partie, pour parler de mon travail, si je devais donner un exemple parlant, je dirais que j'ai assuré le rôle de la crèche, pour illustrer mon propos.
...Alors qu’en réalité c’est surtout la crèche qui assure le travail des mères qui ne veulent -ou ne peuvent pas- travailler elles même avec leur enfant.
En tant que mère professionnelle, je ne délègue pas le travail éducatif autour de mes enfants entre 0 et 3 ans, pour commencer. Pour moi le point central du travail de mère se trouve ici, dans cette période charnière.
Nous sommes toutes des mamans, mais ça ne veut pas dire que nous travaillons toutes sur un pied d’égalité avec nos enfants, d’une façon professionnelle. Une maman qui amène son enfant à la crèche, ne travaille pas avec son enfant à plein temps comme elle le ferait dans son travail quotidien, même si effectivement elle est maman a plein temps sur le strict point de vue de la filiation…
Cette mère délègue une partie de son travail de mère à d’autres personnes qui sont rémunéré pour faire la même chose que ce qu’elle aurait dû faire avec ses enfants.
Quand je fais le travail de la crèche avec mon enfant, je travaille. Avec mon enfant, oui, et c'est un travail. Une maîtresse qui amène ses élèves à la bibliothèque, ou leur lit des histoires dans la classe, travaille. Tout comme la mère qui fait le même travail chez elle, mais avec ses enfants...
La notion moderne du travail semble faire croire qu’une action doit forcément être un peu chiante et sous la direction d'un inconnu avec des liens hiérarchiques et un cadre non défini par nous même pour que ça nous autorise à la reconnaitre comme un travail. Mais c'est faux. Un travail c'est un ensemble d'actions dans un but précis et qui est répété dans la durée. Nous sommes arrivés à construire des sociétés dans lesquels footballeur est un travail, pute est un travail, même câliner des chats peut être un travail, mais dès lors qu'on aborde la maternité comme un travail cela dérange et on mérite l’échafaud et le fouet.
La notion de plaisir qui existe dans le travail tend à disparaître avec la création des emplois modernes, mais en réalité, plaisir et travail devrait toujours aller ensemble. Cette notion de plaisir dans le travail empêche beaucoup de mère de considérer leur travail auprès de leur enfant comme un travail parce que justement, elles en prennent du plaisir et pas qu’un peu ! Elles n’ont pas de contrainte professionnelle classique dans leur quotidien, donc pour elles ce n’est pas un travail.
Je comprends très bien le rejet que je provoque quand je dis que Maman est mon métier, j’y suis habituée depuis 8 ans... Je pense que ça peut être parce que les autres conçoivent ma façon de m'occuper de mon enfant comme eux peuvent le faire, d'une façon classique (sans jugement, juste parce qu'il faut bien que je donne un mot) ou comme n'importe quelle maman pourrait le faire... Alors que moi j'ai vraiment investi ma maternité comme un métier, je lis des livres, j'interroge des gens, j'apprends des techniques, je me forme, comme dans n'importe quel boulot en fait...
Je ne fais pas le travail de la crèche, je fais beaucoup mieux que ça ! Parce que j’ai des classes de 2 ! Et que je les connais depuis toujours et mes petites élèves aussi me connaissent parfaitement. Je connais leur langage, leur regard, leur mouvement de corps… J’ai de l’avance sur la découverte de leur comportement par rapport à la crèche donc je travaille au plus près de ce que sont mes élèves !
Posons nous cette question : est ce que gogo danseuse est un travail ?
Oui n’est ce pas ? Danser est un métier. C’est même un très beau métier.
Donc pour tous, une femme qui danse en enlevant ses vêtements devant les autres fait un travail.
Mais par contre, une femme qui, du matin jusqu'au soir, s'occupe d'enfant, ne travaille plus dès lors que ce sont ses propres enfants ? Pourquoi ?
Que fait une mère de sa journée avec ses enfants ?
Elle les lève, leur donne le bain, les habille, leur apprend à parler, leur cuisine des repas (et cela devient de plus en plus compliqué de ne pas les intoxiquer !), elle leur apprend à manger, les éveille, leur apprend à gérer leur corps, les instruit, leur apprend à être socialement intégrés, polies, etc, etc, etc.
Pourtant elle n’a aucune reconnaissance professionnelle, aucun avantages sociaux, elle n’est prise en compte par aucun régime professionnel, elle est transparente. Alors que celle qui enlève ses vêtements pendant 2h sur un bar, elle, travaille...
Je n'ai rien contre les gogos danseuses, soyons bien claire, bien évidemment qu’elles travaillent, je veux simplement pointer du doigt que la notion de travail est souvent perturbée dans la tête des femmes par une vision déformée d’elle même et de leur travail.
En 2017, dire publiquement d’une mère qu'elle travaille avec ses enfants comme un métier, c'est déclencher la destruction nucléaire de l’humanité...
Pourquoi considérons nous un travail comme un travail ? Pour le salaire très souvent, n’est ce pas ? Parce que nous sommes payé pour le faire.
Maintenant enlevons le salaire et regardons le travail. En quoi est-il plus glorieux que celui de mère ? Est ce qu’on considère toujours son travail comme un travail quand il ne nous donne plus l’argent qu’il nous faut pour réaliser nos vies ?
Si je donne un salaire à une mère pour s’occuper de ses propres enfants, mais avec des objectifs de progression dans le développement de sa famille et des formations obligatoires pour la mise à niveau dans ce qu’elle doit faire, est ce qu’il devient possible de considérer qu’elle travaille ? Que je travaille ?... Alors pourquoi ne peut-on pas considérer que je travaille sans salaire alors même que je remplis toutes les conditions citées plus haut ?
De plus en plus, les mères surdiplômées quittent leur travail à l’extérieur pour travailler elle même à l’éducation de leur enfant et on refuse encore obstinément de prendre en compte le travail de ces mères alors même qu’elles ont les capacités mentales de justifier leur choix et de démontrer le travail qu’elles effectuent au quotidien !
Comme me racontait Amal, une jeune maman sur Facebook qui me parlait justement de ce sujet :
« Aux États-Unis des mamans surdiplômées quittent leur job (cadre supérieur...) pour se consacrer à 100% à l'éducation des enfants et à l'optimisation de leur apprentissage, une sorte d'investissement dans les ressources humaines familiales. Maman est un métier et non seulement le rôle "naturel" de la femme, surtout qu'on est amené souvent à faire des sacrifices pour l'assumer. »
Le même phénomène s’observe en France et c’est Elisabeth Badinter la première qui l’a officiellement pointé du doigt comme un danger d’un retour des femmes à la maison sous l’emprise des maris. On peut comprendre la difficulté générationnelle de la philosophe à décrypter une époque qui la dépasse peut être, mais pour avoir souvent dû grandir sans nos mères partie travailler à l’extérieur, je pense que nous sommes simplement une génération qui veut offrir à nos enfants ce que nous même n’avons pas eu : une mère, un parent, à nos côtés, pour grandir, tout en ayant mis en place par nos études et nos niveaux d’éducation, de quoi assumer notre développement professionnel après la petite enfance de nos enfants. En tout cas c’est ce que j’aime penser et ce que je m’applique moi même avec mon diplôme de presse écrite et mon expérience professionnelle pré-bébé à appliquer chaque jour que Dieu fait.
Le phénomène des mères au foyer qui se retirent du marché traditionnel de l'emploi touche les deux extrémités de la courbe selon moi. Les mamans les plus précaires qui n'ont plus rien à gagner à travailler puisque les salaires trop bas égalent les aides et les mamans surdiplômées qui ont trouvé des papas qui ont des bons salaires ce qui leur permet de changer de voie professionnelle progressivement pour s'adapter à l'arrivée de l'enfant.
Certaines femmes ne sont pas mobilisées 24/24 avec leurs enfants, je crois qu'il faut arrêter avec le mythe qui dit que toutes les femmes sont des mères de la même façon, c’est la première erreur dans la maternité. Non, nous ne sommes pas toutes des "super mamans" comme s'amusent parfois à le dire des mères qui se revendiquent dans les mêmes temps "indignes" et sont ouvertement démissionnaires auprès de leurs enfants... Non. Certaines voient leur gosse une heure par jour. Je ne juge pas, mais je suis fatiguée qu'on compare ma façon d'être mère a la leur et qu'on me refuse le droit de dire que je travaille avec mes enfants sous prétexte qu'on est toutes des mères pour avoir toutes effectivement engendrer la vie. Nous sommes toutes des mères, oui, mais non nous n’en faisons pas toutes notre métier. Ce n’est –encore une fois- pas un jugement de valeur. C’est un fait.
Que le lien de filiation persiste pendant les 24h d’une journée, oui, mais que le travail de mère suive toutes les mamans même quand elles sont loin de leur enfant, non.
Et comme rajoute Amal « chacune appréhende la chose à sa manière, ça va du strict vital et on délègue tout le travail, à la maman ultra investie qui tient des programmes nutritionnels évolutifs, des plannings d'activités culturelles et sportives ».
Personnellement je ris en me disant que la deuxième maman d’Amal est celle que toutes les mamans se donnent le droit de détester et de molester collectivement publiquement comme dans une classe d’école où on aime bien traumatiser le premier de la classe juste pour le rabaisser et le faire taire avant qu’il ne révèle nos propres piètres niveaux au lieu de tirer profit de son expérience...
Grâce à Dieu, en France il y a la possibilité de rester auprès des enfants en se plongeant entièrement dans la précarité et la solitude. C'est une toute autre vie, mais c'est un vrai choix. Que j'ai fait. Ça m’a permit de construire mon projet professionnel en voyant grandir mes petites le temps qu’elles soient assez autonomes pour se gérer et que je puisse travailler sereinement : ce qui correspond à l’entrée en CP en septembre de ma petite dernière.
Mon cas n’est pas isolé, je connais d'autres mamans qui ont fait le même choix, malgrés leur (haut) potentiel. Est-ce ce que nous souhaitons ? Faire grandir les enfants des femmes les plus dévouées à l’enfance dans la précarité ?... Apparemment ça ne choque pas notre nouveau gouvernement qui comme les autres laisse le cas des mères au foyer au fin fond des oubliettes, à droite, après les toilettes.
Certaines le voient comme un fardeau, d'autres comme un métier, d'autres comme un devoir ou un fait... Tant que chacune respecte le choix de l'autre et sa façon d'être mère et peut s’épanouir en assurant un avenir serein aux enfants, pourquoi pas. Mais je ne vois pas pourquoi je dois encore accepter le choix des mamans de ne pas voir grandir leurs enfants et supporter qu'elles par contre n'acceptent pas mon choix de pratiquer ma maternité comme un métier et ne m'aident jamais à gagner la reconnaissance qui m'est dû légalement.
Maman, c'est mon métier.