J’ai été approché très récemment par un photographe qui me proposait une collaboration pour un shooting photo de nu artistique. J’adore jouer avec mon image et l’idée d’une collaboration en binôme m’amuse toujours beaucoup donc je suis allée à sa rencontre…
Un projet de photo pour moi c’est vraiment avant tout une rencontre entre deux visions des choses, deux univers, deux regards posés sur le monde qui doivent arriver à dire une même chose à ceux et celles à qui l’œuvre sera donné à voir.
Je conçois vraiment la photo comme une fusion entre une personne qui a un savoir faire et un certain regard au monde et une personne qui incarne une façon d’être et de vivre dans ce monde…
C’est donc assez détendue et amusée, totally open, que je suis allé à mon rendez vous avec cet inconnu qui m’a contacté via Facebook (ce qui est assez rare pour les photographes qui me contactent plutôt sur Instagram, ce qui se comprend).
J’avais trouvé assez précautionneux de sa part de ne pas me proposer de voir son travail avant de me rencontrer et c’est vrai que je sentais bien la couille dans le potage, mais je dois avouer que le jour de la rencontre, il fallait absolument que quelque chose, ou quelqu’un me motive suffisamment pour que je passe une tête dehors et sorte un peu mon nez de mon Smartphone ou de mon ordinateur donc tout était bon à prendre !
Comme la rencontre se passait dans un café, au grand jour, je n’étais pas anxieuse.
Arrivée sur place j’ai préféré marcher un peu avec lui, car mon corps était avide de grand air et de lumière du jour, donc nous avons évolué vers les quais où nous nous sommes posés sur un banc. C’est là qu’il m’a enfin montré son travail et que nous avons pu échanger sur le projet.
Sur le principe j’étais vraiment partante pour faire un shooting avec lui. Depuis plusieurs années je travaille autour du nue sur Internet et je milite pour mon droit à utiliser moi même mon image de femme, que je sois habillée ou que je sois nue.
Mon constat autour de la censure de la nudité des femmes quand elle est utilisée par elle même et gratuitement partait de mes photos d’allaitement sur Facebook.
En 2008, je postais parfois des photos de ma fille en train de téter parce que pour moi il n’y avait pas quelque chose de plus beau au monde que ce moment. Sauf que mes photos étaient violemment censurées par Facebook. Je suis alors rentré progressivement dans une lutte pour le droit à la nudité gratuite et sans objet de provocation par les femmes elles même.
Cela a été, je l’avoue ici, une vraie libération. Le fait d’arriver petit à petit à gagner le droit de m’afficher nue sur Internet sans que mon image ne soit « sexualisée » plus qu’elle ne doit l’être est je pense le plus gros travail et la meilleure récompense que je me suis offerte.
J’ai donné mon corps à voir et j’ai fait accepté l’idée que ce n’est pas parce que je joue avec l’image de mon corps nu, que je souhaite sucer des bites. Pour faire court.
Il est arrivé que certains viennent me demander de sucer leur bite. Ce qui est tout à fait normal. Les codes sociaux visuels servent à afficher des messages d’ouverture ou de fermeture à la séduction et à l’acte sexuel et le fait de s’afficher nu est le message ultime d’appel au sexe. Sauf si on l’accompagne, comme je l’ai fait pendant des mois et des mois de toute une invitation à la réflexion autour du corps, autour de la liberté et autour de la nudité.
Ma maternité a été un élément essentiel et j’ai souvent associé certaines de mes photos de cette phrase qui dit tant de chose « Ta mère à poil sur les réseaux »…
Est ce qu’une bonne mère qui prend bien soin de ses enfants de façon notoire a le droit de disposer de ce corps avec lequel elle a fait deux enfants et qu’elle entretient pour qu’il reste en bonne santé ? C’était ça la question… Et la réponse, magnifique, que je peux livrer aujourd’hui après des années de tests, de #FreePopotin et de lutte pour le Téton Libre ! est : oui.
Oui, les gens autorisent une maman qui prend notoirement soin de ses enfants avec amour à disposer de son corps comme elle le veut si elle explique sa démarche et que sa démarche tient le coup.
C’est important de mettre mes recherches et mes tests en face du harcèlement face aux actrices porno, je pense.
Toujours est-il que face à la proposition de ce photographe de travailler avec moi, je me sentais disposée à écouter les propositions de ce professionnel et sa vision de mon image…
Jusqu’à ce que je rentre à la maison et regarde son site Internet de plus près.
La débandade totale.
Quelque chose me dérangeait dans son travail et je n’arrivais pas à identifier quoi… J’ai mis du temps à regarder ses photos et à comprendre que ce qui me dérange, c’est la pornographie.
Je ne souhaite pas être associé à une démarche pornographique de mon image.
Je peux accepter de prêter mon image pour un projet autour d’une réflexion sexuelle qui parle d’amour… Si c’est bien fait… J'aime poser nue et j'aime l'image des corps nus. J'aime la nudité dans ce qu'elle a de plus pur, de plus épuré de l'humain... Mais la pornographie pour moi n’est pas un art… C’est une déviance. Et le problème dans ce projet était que ce photographe travaillait la nudité dans ce mouvement qui se dit « Porn-Art »… L'amour physique fait pour l'argent n'est pas un art, ce n'est pas de l'amour, ce n'est plus que du physique qui salit la notion même d'amour dans sa forme sublime de partage de ce qu'un homme et une femme peuvent avoir de plus précieux et de plus intime et décide de se donner.
Mais pourquoi pas. Les gens ont le droit d’être complètement perdu, de faire de la merde et de passer un vernis chic dessus pour arriver à supporter la vie et lui trouver un intérêt.Et ils doivent être respecté aussi... Que faire d'autre.
Ce qui m’a dérangé, c’est le fait que ce monsieur propose à des très jeunes filles tout juste majeures de poser pour lui, nue, dans la rue, en leur expliquant que c’est le meilleur moment pour le faire parce qu’elles sont fraiches et naturelles… Et même que ça démontre une certaine maturité de leur part.
Oui… Voilà…
Je trouve ça d’un dégueulasse. Je trouve ça d’une laideur… Aller chercher des gamines de 18 ans pour les faire poser nue sans aucune réflexion sur ce que cela implique pour leur avenir, avec la puissance de l’image et des réseaux sociaux, c’est condamner ces jeunes filles à une image déplorable qui va les suivre dans des proportions dont elles n’ont absolument aucune idée. Se servir du besoin d’exister et de transgresser de nos jeunes pour les amener dans une démarche lubrique et déviante alors même qu’elles ne sont pas encore armées pour faire ce choix en conscience, c’est juste de la pourriture.
Je n’ai plus pu répondre à ce… Je n’ai plus pu lui répondre.
Mais j’ai réussi à mettre le nez dehors et à visiter un autre univers que le mien le temps d’une échappée hors de mon smartphone, donc pour moi le pari était gagné.