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Dans les grandes villes et les milieux urbains, même de taille moyenne, le bruit semble être une composante de l'architecture. Comment faire pour cohabiter ?

Le premier appartement que j'ai loué en plein coeur de Bordeaux dans le quartier Saint-Michel était mitoyen avec une boîte de nuit. Evidemment, cela n'était pas fait exprès pour m'empêcher de vivre et pourrir toutes mes nuits pour anéantir ma vie, mon oeuvre... Et au delà d'une boîte de nuit, c'était une des plus actives et délurée de la ville dans le style musical.

J'ai donc dû apprendre à être la "voisine" qui n'irait pas sonné chez ceux et celles qui savent vivre parce que si elle voulait du calme, elle n'avait qu'à rester à la campagne. Quand on ne supporte pas les gens, on ne vient pas habiter au milieu d'eux. J'ai fait avec. J'ai donc inscrit dans mon cerveau depuis mes 19 ans que mes nuits sont bruyantes et que je dois m'en accomoder.

Plus tard, hasard ou coincidence, mon amoureux était gérant d'une boîte de nuit et habitait juste au dessus. Là où nous dormions donc, la tête contre les baffles quasiment il fallait composer avec les fêtards qui savaient, encore, vivre, eux. Mais cette fois-ci avec les bagarres, les coups de feu et les hurlements en plus. Hollywood.

Grâce à Dieu j'ai déménagé au Maroc où le muezzin décidait que 5h23 est une heure adéquate pour un lever général. Quand on vit à Rome, il faut vivre comme les Romains. Qui suis-je pour dire aux représentants de Dieu sur terre de se taire ? Encore une fois, l'acceptance était la seule solution à ma survie mentale.

Une fois rentrée à Bordeaux, les filles et moi avons eu la chance, grâce à ma mère de pouvoir louer un petit studio dans la rue qui servait de toilettes à toute la place de la Victoire réputée pour la vigueur de ses soirées et de ses étudiant.e.s. Le pipi s'accompagnant souvent de chants paillards et autres piaillements de personnes sous alcool. Heureusement ma petite dernière s'est occupé de mettre tout le quartier d'accord en se réveillant la nuit en hurlant pendant de très longues minutes... terreurs nocturnes. Ce qui poussa nos pourtant charmantes voisines d'en face et leur chien japonais à déménager pour fuir les hurlements infantiles parce que, de leur aveux, elles "n'en pouvaient plus et étaient à bout"... Ah bon.

Nous aussi avons réussi à déménager pour aller vivre dans l'immeuble mitoyen d'un lycée qui sonnait les heures de cours quand cela lui été nécessaire.

Quand on ne sait pas vivre dans le bruit, les centres villes sont vraiment un ennemi.

Pendant des années, mes petites et moi avons vécu isolées de l'extérieur dans un silence monacale. Impossible de deviner qu'il y avait de la vie dehors tellement notre appartement était silencieux. Il l'est toujours d'ailleurs... Même si les différents travaux de la ville font sonner une alarme générale vers 6 à 7h du matin, aucun bruit de bars, de restaurants ou de joyeux drilles n'arrivent à mes oreilles, si ce n'est peut être de temps en temps des jeunes qui coassent ou singent la nature... Les jeunes quoi...

Chacun s'occupent de vivre sa vie sans se soucier de quand les fenêtres de l'un ou de l'autre sont ouvertes et de si l'on est mardi ou vendredi soir, s'il y a des enfants ou des orgasmes, des colères ou des disputes de couple, des éclats de rire, des chansons préférées pour lesquelles on monte le son et on repaie une tournée, ou deux ou trois, en boucle... Sans oublier les conversations croustillantes à la fenêtre, les adolescentes qui chantent dans leur chambre entre copine avec leurs voix aigues, le père et le fils qui joue au ballon. Rien de tout ça.

Juste la vie. C'est comme ça qu'il faut faire pour apprendre aux enfants à vivre avec le bruit. Juste, vivre.

Quand mes filles sont allées avec leur grand-mère au Cameroun, j'ai été heureuse qu'elles s'adaptent au bruit de tous les bars qui encerclent la maison du quartier jadis résidentiel et qu'elles s'émerveillent devant le stade sous leur fenêtre. La relève est en place. L'éducation est transmise.

On avance.

 


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