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Je suis une grande fanatique des cheveux blancs. Sans doute l’expression de mon petit côté gérontophile. Je pense plutôt que ça vient du fait que comme beaucoup de petite fille, je trouvais que mon père était le plus bel homme sur terre (sauf que moi c’était vrai) et du fait que mon père a eu très jeune les cheveux entièrement blancs. De très beaux cheveux, en prime.

Depuis que je suis enfant, j’attends donc impatiemment qu’agisse la génétique et que vienne mon tour d’avoir le pelage de la dominance dans la jungle humaine : le crin blanc !

Seulement voilà, malgré mon acharnement a cumuler toutes les emmerdes de la terre que je peux trouver sur mon chemin et ma capacité à mourir chaque soir pour me réveiller encore, mes cheveux ne me trahissent qu’à peine sur mes 37 ans et fournissent péniblement quelques poils blancs qui amusent mes enfants et me désespèrent par leur minorité en nombre…

J’ai donc décidé de prendre la crinière par les cornes et d’infliger à ma touffe ce qu’elle même ne voulait pas me faire vivre ! La vieillesse précoce, la triche féminine ordinaire, le camouflet à la nature qui fait croire aux autres qu’elle nous a gâté du cadeau que nous n’avons jamais reçu : la coloration !

Avant toute intervention sur ma personne, j’en réfère aux autres habitantes de ma Maison. Mesdames mes filles co-gèrent avec moi mon image extérieure et me permettent -pour ne pas dire m’évitent- souvent de sombrer dans des dérives issues de ma trop grande créativité conjuguée à mon petit côté kamikaze joviale.

Si vous venez d’arriver, vous êtes dans une zone qui prône un respect du naturel, une préservation de son aspect physique primaire et l’embellissement par l’éphémère plutôt que par le définitif (pas de faux seins, des poils sous les bras et sur le cul, du vernis oui, mais avec des ongles sains, blablabli et blablablo, des trucs de filles quoi… Enfin, jusqu’à récemment. Bref).

Mes filles sont donc biberonnées au « Connais toi toi même » et « Aime toi, le Ciel t’aidera »…

Quand j’ai annoncé mon envie de gris, c’est ma plus grande fille qui est monté au créneau tout de suite, l’effroi dans le regard et les mains jointes. Sa petite sœur serait plus partisane d'une lutte pour que je me teigne les cheveux en rose paillette et me face greffer une corne de licorne « trop belle » ce qui implique donc qu'avec mon pauvre gris je n’avais pas mis la barre suffisamment haute pour susciter son intérêt et sa prise de position dans cette basse conversation triviale…

Mais non Maman ! S’il te plaît ! Pas ça ! Ils sont trop beaux tes cheveux je t’en supplie !

On a le sens du mélodrame dans la famille.

Toutefois, ça m’a mis la puce à l’oreille parce que je sais qu’elle a raison à chaque fois qu’elle me dit des choses comme ça et qu’elle ne voudra jamais que mon bien.

Comme je n’en fais qu’à ma tête, j’ai profité de confier mes enfants à ma mère pour le week-end pour aller chez la coiffeuse. Oui, on y arrive, bravo d’avoir tenu jusqu’ici.

Je me suis rendu place Camille Jullian, à Bordeaux, autrement dit Caju pour les intimes où Le Petit Salon (c’est son nom) m’avait beaucoup plu lors de la coupe de la frange de ma petite dernière pour la consoler de ne pas avoir droit, à 7 ans, à la greffe de la corne de licorne qu'elle m'avait demandé, tu sais celle avec les paillettes…

En tant que citoyenne française « issue de la diversité », si j’ai appris quelque chose avec les coiffeurs occidentaux en France c’est qu’ils ne sont pas forcément les amis de mes cheveux, même s’ils peuvent être les miens, d'amis. La méconnaissance autour du cheveux afro et des coiffures afro est malheureusement abyssale, même si de plus en plus de coiffures comme les tissages, défrisages et autre nattages deviennent de plus en plus accessibles dans les salons français traditionnels.

Il y a 10 ans, quand je rentrais dans un salon occidental, j’arrêtais le temps. Les coiffeurs se tournaient vers moi et je lisais dans leurs yeux le « ouh putain, non, pas moi » qu’ils mettaient un temps fou à traduire par des formules maladroites, parfois blessantes, pour refuser de me coiffer.

Je garderais toujours en tête ma rencontre du troisième genre avec mariette perrin du salon Art et Nature, cours pasteur à Bordeaux… Enjouée et frétillante d’impatience, je rentrais dans son salon pour découvrir les fameuses nouvelles coupes de cheveux énergétiques qui allaient me remettre le chakras en place pour 120€ l'"élaguation"………….. Et je me retrouvais en face d’une mariette, pas forcément aussi enjouée de me voir que moi et qui se tortillait sur sa chaise pour chercher comment elle allait pouvoir m’expliquer que ça n'allait pas être possible… J’ai donc eu droit à une litanie sur le fait qu’on ne peut pas faire grand chose avec les cheveux bouclés à part les lisser. Gloups. Que les cheveux métissés sont très compliqués à travailler. Regloups… Et face à ma réponse d’expliquer que je m’amuse beaucoup pourtant avec mes cheveux et que j’aime les changer de forme, de texture, j’ai eu le coups final qui m’a planté les pieds dans le carrelage « Ah oui, mais je comprends, moi aussi j’aime beaucoup l’effet "sauvageonne" des cheveux métissés, mais voilà, sorti de la boule, à part ça on ne peut rien en faire ».

Moi et mon os dans le nez sommes retournés, choqués chez les sauvageons pour ne pas dire les sauvages aux cheveux crépus et de ce jour là j’ai arrêté de vouloir tester des coiffeurs incompétents plus loin que je ne sais réellement les supporter.

Je reste donc très attentive quand je passe le pas de la porte d’un salon de coiffure occidental et je regarde tout : la façon dont on me regarde quand je rentre, la façon dont on m’accueille, la façon dont on regarde mes cheveux, la façon dont on me propose de toucher mes cheveux, la façon dont on m’explique ce qu’on peut me faire et comment on écoute ce que je veux qu’on me fasse.

Si je ne retrouve pas de cohérence dans le tout, à tout moment, merci, au revoir, je ne pose pas mes fesses sur leur fauteuil.

Au Petit Salon de la place Caju, j’aime l’ambiance, déjà. J’aime la façon dont on me regarde quand je rentre, j’aime l’accueil qui n’est ni excessivement joyeux (fuir les coiffeurs cocaïnomanes) ni arrogant et méprisant (de ceux qui sont habitués à se faire pourrir par leurs clients parce qu’ils ont raté la coupe, mais savent avoir l'outrecuidance de se faire payer quand même).

La coiffeuse qui m’a reçu ce jour là au Petit Salon a été honnête de m’expliquer toute la réalité de mon souhait et de la mettre en adéquation avec la réalité de ma vie pour m'aider à comprendre vraiment si je voulais sincèrement ma jolie coloration grise comme sur la photo : j’allais devoir décaper mes cheveux en blanc, puis les recolorer en gris, le protocole bien connu de celles qui sont habitués à faire n’imp’ avec leurs tifs… Rien que pour ces opérations là on est déjà à plus de 200€. Ensuite, comme le cheveux a été agressé, il faut l’entretenir plus, beaucoup plus que d’ordinaire. C’est donc un investissement en soin et autres produits capillaires -et pas les moins chers- à rajouter à mon budget mensuel. Cerise sur le chignon, le gris s’estompe en 2 à 3 mois, il faut donc retourner au salon pour refaire sa couleur tout les 2 mois, même si on a opté pour "l’ombré hair" qui  ne colore pas les racines et permet de laisser pousser les cheveux sans avoir à retravailler à la base tous les 2 mois.

En gros, ce n’est pas une coloration, c’est un abonnement à l’industrie pétrochimique fusionné à la mafia des coiffeurs (lobby très influent qui engraisse la Bétancourt qui le leur rend bien depuis des décennies).

Comme une douceur, j’ai eu droit à un compliment désintéressé sur la qualité de ma couleur naturelle.

Ca a suffit à m’apaiser, à calmer ma rage de vivre et de me changer pour m’adapter à la haine que je ressentais au fond de moi contre ce monde de con, alors je suis partie marcher un peu avant de rentrer calmement à la maison. Brune. Avec 7 poils blancs.

J’adore mes cheveux. J’adore leur texture, leur couleur, leur folie, leur sagesse et le potentiel de création infini qu’ils m’offrent. Jouer avec mes cheveux est une de mes activités préférés et grâce à mon Dieu, mes filles sont là à mes côtés pour m’éviter de les foutre en l’air quand l'envie de tout foutre en l'air me prend.

Avant, c’était surtout le rôle de leur père… Et puis un jour j’ai tout coupé. Pour ne pas couper leur père. J’ai mis 4 ans à me calmer et à travailler pour revenir à l’état originel du caillou. Patiemment, à coup de spiruline, d’huile de coco, d’œuf et d’huile d’olive, entre tresses africaines, tissages et « protective hairstyle » j’ai pu conserver mon héritage.

Je suis navrée pour toutes les mariette perrin et très triste pour elles aussi.

Triste qu’elles ne sachent pas respecter leurs clientes et leur magnifique métier en apprenant à aller plus loin dans la psychologie de la nana qui vient changer de tête. En apprenant leur art et en amplifiant la créativité qu’il y a dans les coiffures africaines que l’on appelle « protective hairstyle » elles gagneraient déjà en technique et ensuite pourraient proposer aux femmes des solutions intermédiaires à leurs envies de détruire le monde en commençant par leurs propres cheveux.

Une nature de cheveux respectée, c’est une femme qui se respecte.

(Rappellez moi ça quand je me serais teinte en rousse après que ce gros *é*é soit allé parler à cette grosse PUTE !!!)

 *La photo est de la magnifique Bruna Ramos que je vous invite chaleureusement à découvrir sur Instagram pour comprendre comment une couleur de cheveux change une femme et toute la logistique que la coloration oblige à mettre en place pour entretenir le mythe.


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