J’ai 53 ans.

Depuis 12 ans et puis 9 ans : deux fois papa.

Désormais divorcé et seul, je vois mes enfants séparément chaque mercredi après-midi et ensemble une fin de semaine sur 2.
Leur maman a une jolie petite maison avec un jardin, elle les emmène en Pologne ou en Angleterre, en train, en avion… elle a une voiture grise et des tas de projets.

Moi je n’ai pas le permis de conduire (je suis handicapé), je ne les emmène pas en voyage ou en vacances (je vis « sous le seuil de pauvreté » comme disent les statistiques) et je suis très distrait, très rêveur, très émotif… autre chose ? Ah oui : je suis strictement végétalien, je fais toujours les mêmes repas, je ne suis pas du tout prosélyte et j’essaie de comprendre où je suis.

Mais je suis papa oui, double papa donc, et pour mes enfants, je cuisine des choses que je ne mange pas, on se débrouille, j’invente, ils inventent avec moi notre façon de vivre ensemble, on va au cinéma quand j’ai un peu d’argent, voir des copains ou des copines artistes, on peint et dessine, on joue à l’ordinateur, on bricole, on fait de la musique, on imagine des histoires, on discute fort de tout ce qu’on croit juste, on se dit ce dont on a peur, ou ce qu’on n’aime pas, on regarde des dictionnaires (j’en ai des dizaines ici), on cherche des étymologies, on fait les devoirs, on pense aux chiffres, aux planètes telluriques, on regarde des cartes du ciel, des éphémérides astronomiques, les reflets sur le fleuve, les traces dans le ciel (on prend le bateau-bus), les arbres sous lesquels on est assis pour goûter du melon. On joue au ballon, au cerf-volant.

On rêve ensemble.

Jean-Christophe Sekinger