Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

 Je continue mon tour d'horizon des avantages et désavantages à élever les enfants dans la richesse comme dans la pauvreté en m'attardant aujourd'hui sur les situations d'extrêmes pauvreté selon mon expérience... "Selon le Secours populaire, le risque de pauvreté est "accru" pour les mères qui élèvent seules leurs enfants – quatre familles monoparentales sur cinq sont dirigées par des femmes – et "les victimes de la pauvreté sont majoritairement des femmes (56 %)" nous disait le Monde en 2013...

 Être extrêmement pauvre c’est trop bien !

 On n’attend plus rien de toi. Tu es dispensé de toute la codification sociale ! Tu peux t’habiller comme tu veux, te tenir comme tu veux, parler comme tu veux. Ta vie n’a plus aucune incidence économique donc les codes sociaux glissent sur toi. En rentrant dans l'extrême précarité, j'ai pu découvrir des pépites de l'espèce humaine qui se battent comme des damnés pour faire triompher des valeurs positives et faire cesser les injustices. J'ai pu apprendre à mes filles qu'en amitié comme en amour, il n'y a aucune place pour les considérations purement matériels et que ce qui compte, c'est d'être présent dans la joie, comme dans la tristesse et de se soutenir.

Mes enfants ont été entourées et cajolées sur leur chemin parce que la société savait que leur chemin était plus rude que celui des autres enfants de leur âge. Et cela m'a permis de retrouver la foi et la confiance en l'humain. Nous avons appris que le fait de posséder ce qui est construit n'était pas plus jouissif que le fait de construire avec le temps et la persévérance et que la saveur du travail qui arrive à s'accomplir après des efforts réfléchis avait un goût de satisfaction très particulier.

 Au début, j’avoue que, oui, ça fait un peu de peine, bien entendu... On ne rentre pas dans le dénuement économique en criant "Youpi j'y vais !"

Par exemple, mes amis ont arrêté de me confier leur problème quand je suis rentré dans l’extrême précarité. Mal logée, mal nourrie, mal habillée et en détresse affective, je comprends que l’on n’ai pas envie de m’en rajouter une tartine, mais le fait de partager ses problèmes c’est aussi le fait de partager sa vie et globalement c’est ce qu’on appelle l’amitié...

 Mais face à l’extrême pauvreté, plus de problèmes des autres, vous gagnez une dispense et vous pouvez vous concentrer sur le fait de vous faire consoler et câliner par tout le monde pour avoir rater votre vie à leurs yeux.

En réalité, vous gagnez une somme assez hallucinante de dispenses et j'ai dû apprendre rapidement à devenir une professionnelle de la dispense pour pouvoir élever mes enfants. Laissez passer, je materne. Par exemple, je suis dispensé de payer mes transports : mes frais de déplacement en tram, bus ou train sont financés par la Région et le Conseil général, pareil pour mon électricité, mon téléphone fixe ou tous mes frais de santé ou ceux de mes enfants, dispensée...

 En ce moment je suis dispensé de payer mes courses alimentaires. La façon dont je vis n’a absolument rien à voir avec les autres familles qui ne sont pas dans l’extrême précarité.

 Je ne fais pas les courses normalement : Une fois par semaine je vais au Resto du cœur pour faire le plein pour la semaine et chaque jour je complète avec des petites choses manquantes qui nous permettent d’avoir un budget pour les courses de l’ordre de moins d’une centaine d’euros par semaine pour trois personnes.

 Mon loyer de logement social est extrêmement bas pour mon appartement refait à neuf et situé dans l’hypercentre de Bordeaux et je n’y manque pas de place à l’intérieur. 

La cantine, le centre aéré, la garderie, le conservatoire, toutes les activités liées aux enfants sont plafonnées au plus bas pour notre famille. Le Conseil Général paie les activités extra-scolaires de mes filles : la danse et le club d’échec et parfois les miennes quand je lui demande...

 Chaque été, nous utilisons les bons de vacances Vacaf pour partir une semaine en camping 5 étoiles dans un mobil-home. Après le Cap-Ferret en 2015 et Saint-Tropez en 2016, cette année cela devrait être en Corse que nous pourrons nous ressourcer si tout se passe bien et que j'arrive à financer nos billets retour... Et oui, les compagnie aérienne ne sont pas encore sensibilisées à l'extrême pauvreté des mères célibataires avec enfants en bas âge...

Être extrêmement pauvre c’est pas bien du tout !!!

 Tout ne se passe pas bien ! Déjà la vie de précaire est une vie de fonctionnaire administrative. On passe son temps à remplir des formulaires et des dossiers de demande de tout face à des interlocuteurs qui bien souvent font de leur mieux, mais sont eux aussi noyés dans une lourdeur administrative et des situations humaines dramatiques.

 L’environnement dans lequel on est évolue est catastrophique. Les gens précaires sont les plus inadaptés à évoluer dans cette machine sociale qui les broie littéralement et les pousse à la mort.

Au cours d’une vie dans la précarité, on voit de nos yeux impuissants, les gens et les situations se dégrader comme un feu de paille. On vit de l’intérieur l’étau qui se resserre sur les plus pauvres et la façon dont ils sont foulés aux pieds dans leur droit à vivre, à aimer et à s’élever humainement… On évolue au cœur de l’ignominie et d’une certaine façon, on en est l’une des porte parole qui n'a plus aucun levier pour faire entendre la voix de ses congénères d'infortune.

Comment donner une voix à ceux qui n’en ont plus et ne veulent parfois même plus en avoir tellement il y en aurait à dire ?

Les fatigués d’avance…

Le combat part de si loin qu’il fatigue d’avance... Par où commencer ? Quand on a rien et que les autres qui ont tout semble faire exprès de nous laisser dans cet état de jalousie stade terminale, en n'essayant même plus de faire semblant de ne pas nous voir ? Comment vouloir retrouver l’envie de jouer avec eux nous aussi ?

Le désespoir... C’est le plus gros danger de l’extrême précarité. Le désespoir et la prostitution. Prostitution physique bien entendu, pour pouvoir manger et faire manger les siens, mais aussi prostitution mentale, pour accepter de composer avec des « valeurs » qui ne sont pas du tout les nôtres, qui ne le seront jamais, mais que l’on arrête de rejeter face à leur totalitarisme. Ce n’est pas si grave si je couche avec mon patron pour avoir un poste puisqu’après tout le sexe ça détend et que sans ça je n'aurais pas le poste… Ce n’est pas grave si je laisse mes enfants passer toutes leurs journéees de 7h30 à 18h30 à l'école pendant que je fais un travail d'esclave, puisqu’ils font des activités que je ne leur ferais pas faire autrement et que je peux ramener de quoi manger le soir… Ce n’est pas grave si je bois, ce n’est que le soir pour me détendre et le lendemain je peux aller travailler à ma vie d'esclave… Ce n’est pas grave si mon mari me trompe, il rentre à la maison et s’occupe bien de nous en payant les factures…

 Je crois qu’une des plus grande limite de l’extrême pauvreté, c’est de vouloir sortir de l’isolement social qui est lui même déjà une limite... Parce que sortir de cet isolement social assoiffé d’amour et d’envie de vivre un minimum de joie, c’est se mettre à la merci de la lie de l’humanité qui ne manque jamais de garder en tête que les plus faibles économiquement sont des victimes de premier choix : les fatigués d’avance face au combat. L'extrême pauvreté pousse dans ses limites et les limites amènent à des comportements irrationnels, incohérent et à la violence dans toutes ses expressions pour faire sortir la réalité de la violence qui s'exerce sur les plus pauvres et leurs enfants.

Il y a une vraie culture de la violence économique à combattre en profondeur.

Dans son récent rapport « Femmes et précarité », le Conseil économique, social et environnemental (CESE) tirait la sonnette d’alarme sur la situation des femmes seules. « Sur les 8,6 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté, 4,7 millions sont des femmes ». Les mères isolées sont en première ligne. « elles sont deux à trois fois plus nombreuses au sein de la population pauvre. » Selon une enquête Ipsos d’octobre 2012, près d’une mère isolée sur deux (45 %) déclare terminer le mois à découvert et près d’une sur cinq craint de basculer dans la précarité. 53 % de ces mères estiment que le manque d’argent constitue leur principale difficulté au quotidien.

 Moi je pense que pour se battre correctement, il faut de bonnes chaussures.

 Et je veux des Louboutin.

A suivre...


Ajouter un Commentaire


MomLetter

Abonnez-vous à notre Newsletter!