"Je suis désolée Carole, je sais que c'est dur pour toi, mais je ne peux plus te parler, je suis trop jalouse".
Comment faire pour dépasser les coups bas et les trahisons, les phrases assassines et les désagrément sociales quand on est enceinte et vulnérable ? La réponse est en nous, dans le flot d'hormones qui nous guide pendant 9 mois pour nous conduire à notre bébé... Je crois sincèrement que quand on est enceinte il faut faire encore plus confiance à son corps et à ses réactions parfois étranges sur l'instant, mais qui plus tard, éclairées de nouvelles lumières, prennent tout leur sens et leur puissance.
Ma deuxième grossesse a été une véritable épreuve sur absolument tous les domaines de ma vie. J'ai été confronté à un déferlement de violence, voir de haine assez rare, pendant une des périodes de ma vie pendant laquelle j'étais la plus vulnérable et ne pouvait strictement rien y faire... Après avoir perdu un deuxième bébé quelques mois avant, j'étais bien décidé à rester concentrée sur ma grossesse et a faire venir mon enfant au monde coûte que coûte.
J'ai pu profiter des hormones guerrières de mon premier trimestre pour mettre sa race à la maîtresse du père de mes enfants que j'avais quitté en lui réglant son compte à lui aussi au passage. J'ai pu profiter de cette énergie combative pour accepter de me battre pour mon enfant et le privilégier, donc privilégier ma bonne santé mentale et physique, ce qui signifiait : pas d'énervement excessif, pas de fatigue à laquelle on ne répond pas en faisant une bonne sieste, ne pas aller au delà de ses forces physiques donc travailler avec son mental à anticiper les choses.
A la fin de mon premier trimestre les choses se sont à peu près calmées et j'ai pu rentrer dans des routines plus sereines pour mes enfants et moi et continuer ma grossesse. Mon gros bidon a pointé son nez et je vivais, certes, dans le chaos et loin de chez moi, mais tout de même avec autant de plaisir que je pouvais en trouver dans cette grossesse hors norme. Mes copines me manquaient beaucoup bien sûr, j'étais réellement très attachée à elles, mais j'avais été très refroidie par leur manque de soutien et j'attendais qu'elles fassent un pas vers moi. Alors quelle ne fût pas ma joie quand une belle après midi de printemps, alors que je profitais d'un rayon de soleil dans ma prison de repos forcé j'ai vu le prénom de ma super copine de la vie s'affichait sur mon téléphone ! J'étais tellement heureuse que j'ai bondi en répondant avec un grand sourire et je m'attendais déjà à ce qu'elle me raconte tous les potins de Casablanca, qu'elle me parle des progrès de son fils ou des dernières conneries de son mari... En guise d'accueil j'ai eu droit à quelqu'un qui était venu "me dire que je m'en vais" comme dirait l'autre ^^!
J'étais sur le cul. Je le suis resté longtemps... Quelle femme peut faire ça ??? Quelle femme peut téléphoner à son amie qui vient de tomber dans la précarité avec son enfant, qui vient de vivre une rupture traumatique avec son mec, qui traverse une grossesse précieuse après avoir perdu un bébé qu'elle a enterré toute seule en confiant sa peine et son désespoir de coeur à coeur... Pour lui dire "je ne peux pas te parler, je suis trop jalouse parce que tu es enceinte" ?
Dans les évènements comme ça, j'ai un trait de caractère hyper chelou qui fait que je ne sais pas montré mes émotions quand elles sont trop fortes. Je fais même parfois le strict contraire que ce que je ressens par mécanisme de défense. C'est ce que j'ai fait. Alors même que je venais de me prendre un coups de poignard en plein ventre enceinte, j'ai consolé cette femme là, la femme capable de faire mal à celle qui est déjà à terre... C'est ma voix qui s'est faite douce... Je lui ai dit que je comprenais, j'ai dû dire des choses apaisantes et j'ai raccroché. J'avoues que depuis j'ai essayé d'oublier, mais ce moment est inoubliable... Tout ce que j'ai réussi à faire c'est pardonner. Ce qui m'a demandé une grande réflexion sur ce phénomène étrange de jalousie de la vie dans le ventre d'une autre... Complètement stérile.
J'avais besoin de réconfort, de tendresse et de soutien et elle venait m'écraser la tête de ses sentiments négatifs... Parce qu'elle n'arrivait pas à donner la vie, elle venait pourrir la mienne. Parce qu'elle n'arrivait pas à juste se taire pour me laisser traverser l'horreur sans en rajouter une couche, elle était aller au bout de son besoin de faire mal et de trahir pour croire qu'ainsi elle se débarasserait de sa réalité de femme infertile qui se sent vivre l'injustice. Comme si c'eût été ma faute.
J'avais beau avoir toujours été là pour elle à volonté, j'avais beau avoir amené la joie dans sa vie et traversé la peine à ses côtés, tout cela n'avais aucune valeur face à son propre ventre vide. Son nombril, sa personne était prioritaire dans la consolation que je pouvais recevoir pour faire vivre mon enfant à naître qui risquait la mort chaque jour, jour après jour...
Et ma réponse à tout cela a été basée sur la réaction qu'à eu mon corps à ce moment précis. Une dissociation : mon corps s'en est battu les reins par le pouvoir des hormones qui avaient fait leur travail de construction de bulle, pendant qu'une petite partie de mon esprit flottait dans le nomansland ou cette femme là avait sciemment décidé de me plonger. Elle décidait de ne plus être mon amie, soit, mais au delà de cela elle décidé de ne plus être mon amie de la façon la plus crasse qu'elle avait pu trouver, explicitement méchamment et gratuitement.
Grâce au cocktail hormonal du deuxième mois de grossesse, tout ça m'a coulé dessus comme l'eau des toilettes dans le caniveau et je suis passé outre en me disant qu'un jour peut être je souhaiterais sortir de ma dissociation pour retrouver mon esprit resté en suspend il y a 7 ans... J'ai avancé, réfléchissant parfois à cette femme là... Je me suis demandé comment on en arrive à un tel degré de pourriture interne, de manque d'empathie et de reconnaissance pour faire une chose aussi bizarre et sale... Et j'ai pu me répondre. En pardonnant profondément tout d'abord, parce que nous faisons tous en fonction de ce que nous avons reçu et certaines prouvent par leurs actes qu'elles ont reçu beaucoup de merdes et peu de considération pour leur valeur... Ensuite je me suis demandé ce que je pourrais bien faire de cette histoire pour construire quelque chose d'utile aux autres qui pourraient passer par là, ce qui me permet moi de récupérer la valeur que j'ai investi honnêtement dans une relation qui m'a profondément blessé. Parce que je crois sincèrement qu'il faut travailler à faire de l'or avec de la merde pour continuer à se sentir belle, propre et utile.
La jalousie des autres femmes pendant la grossesse et un phénomène beaucoup beaucoup plus fréquent que ce que l'on pense. Beaucoup de femmes veulent un enfant au plus profond de leurs tripes et donneraient tout pour pouponner leur bébé à elles. Moi même, je suis passé par là. Et je sais que c'est très très compliqué. J'en ai versé des larmes devant des ventres arrondis et oui, j'ai ressenti cette jalousie profonde pour ce ventre rond qui se refuse à nous. Je me souviendrais toujours d'une séance shopping chez Zara où face à une femme enceinte, alors que j'avais fait une première fausse couche, je n'ai pas pu me contenir, j'ai éclaté en sanglot dans le magasin et j'ai dû sortir en larme avec le père de mes enfants parce que la tristesse provoquée était insupportable.
Ce qui m'a permis d'en sortir c'est d'en parler. D'exprimer cette douleur et de poser ma douleur. Non pas sur les femmes enceintes, mais avec elles, dans un endroit plus adapté... J'allais sur un forum de femmes enceintes ou qui avaient envie de l'être et j'ai pu vider mon sac en toute honnêteté avec des personnes concernées et empathiques prêtes à recevoir et partager ma tristesse.
Je n'en ai jamais voulu à une femme d'être enceinte. Strictement, absolument, jamais de ma vie. Mais par contre je m'en suis beaucoup voulu, à moi... Il a fallut que j'en prenne conscience et que je me pardonne de ne pas y arriver, que je sois gentille avec moi même et avec mon corps qui faisait de son mieux. Il a fallut que je prenne vraiment, pleinement conscience que, oui, j'étais capable d'être heureuse que les autres soient enceintes sans trahir ma douleur et ma volonté, mais que oui, j'étais profondément triste de ne pas l'être et que j'avais le droit de le dire, aussi. Je crois qu'il faut surtout faire attention de ne pas se tromper de cible et de ne pas tirer à vue, surtout sur des personnes fragiles ou fragilisées comme le sont les femmes enceintes.
Le fait d'avoir déjà fait ce travail de deuil d'une grossesse m'a permit d'accepter la grossesse des autres, mais aussi de comprendre la jalousie des femmes qui ne sont pas enceintes. Mais ça m'a permet aussi de dire que ces femmes là, celles qui sont capables de faire mal à une femme enceinte, sont absolument à fuir de toute urgence, enceinte ou pas et sans aucunes excuses parce qu'elles ne sont pas prêtes à être dans des échanges sains, solides et honnête...
Quand on devient enceinte, on doit garder en tête que la grossesse change beaucoup de choses en nous, mais également, chez les autres qui peuvent se révéler dans des travers pervers qu'ils dissimulent profondément, mais que la grossesse fait ressurgir en touchant à leur matrice et toutes ces réactions doivent être prises pour ce qu'elles sont : des réactions extérieures qui ne nous regardent pas, qui ne sont pas de notre fait et ne doivent pas nous pourrir la vie comme elles en ont l'intention pour nous punir de vouloir la donner, la vie...