Ceci est un extrait du livre Immersion disponible dans la Maison d'édition de la boutique en ligne.
Je veux un enfant. Tellement…
Dans la thèse que j'ai lu, il était expliqué que le premier trimestre correspond à une période de doute et de remise en question incroyable chez certaines femmes enceintes. J'en ai fait partie. J'étais tellement secoué par ma grossesse que je voulais mourir pour ne pas avoir a tué mon bébé, que je refusais d'une force psychologique que je ne soupçonnais pas chez moi.
Je n'aimais même plus le père, qui devenait pour le coup le coupable de mon état… C’était affreux.
Un jour en rentrant chez moi, je me suis jeté par terre, face à la fenêtre en priant, en disant qu'il fallait protéger mon bébé de moi...
Je crois en fait que je priais pour dire « Ne m'écoutez pas quand je vous demanderais quelque chose, protégez mon enfant de la folie qui monte dans mon corps et que je ne contrôle pas... » Je ne suis même pas sûre de ce que je demandais dans cette prière pourtant si précise... « Protègez mon enfant de moi, ne m'écoutez pas »... C'est ça que je me répétais.
Quand les nausées m'ont obligé à rester immobile toute la journée, que je ne pouvais ni tourner la tête, ni parler sous peine de vomir et de ressentir un mal de "mère" indicible, quand je ne pouvais plus supporter mon amour, quand son odeur m'amenait le cœur au cerveau tellement je la trouvais nauséabonde, quand à la place de sa tête rassurante qui me plaisait tant, je ne voyais qu’un monstre, alors j'ai commencé à joindre mes mains et à prier... A hurler dans ma tête qu'on m'enlève l'intrus, que ce corps sorte de mon corps, qu'on ne me fasse pas vivre un avortement, moi qui aime tant les Hommes, les bébés, les enfants... Que par pitié on me comprenne, qu'on me porte, qu'on m'enseigne avec le temps à devenir une maman, mais pas comme ça, pas avec lui, pas moi, pas ce petit...
J'ai vécu je crois quelque chose d'horrible et le souvenir de cette prière m'est resté dans la gorge quand une fois rétablie, le gynéco m'a dit que le cœur ne battait plus. J'ai pensé... Je ne sais pas... J'ai pensé un peu tout à la fois. J'ai dû penser autant « chouette c'est fini » que « merde, j'ai tué mon bébé ».
Ou alors je n'ai rien pensé.
Toujours est-il que j'ai bien pleuré.
Une phrase s'est inscrite dans ma tête : « Ils m'ont pris mon bébé ! »
Comme si, parce que je ne m'étais pas sentie soutenue dans ma grossesse, comme si parce que dans le regard de personne je n'ai trouvé le soutien qui me disait « tu en es capable », j'avais inscrit en moi la phrase « Ils m'ont pris mon enfant ».
Parce que je ne pouvais pas assumer de l’avoir refusé. Parce que la vérité c’est qu’à part moi, personne ne le voulait vraiment ce bébé.
Ma fausse couche…
Quel drôle de mot... j'ai donc eu de faux vomissements, de fausses nausées, un faux curetage et une fausse peine, une fausse souffrance de perdre mon faux bébé ?
Après certains blâment celles qui font un déni de grossesse là où la société, c’est à dire vous et moi, continuons à employer un terme aussi cruel que "fausse couche" ! Bref… De toute façon on ne peut rien y changer.
Ma fausse couche, donc, a eu lieu en mai.
En juin, je devais prendre la pilule pour refaire un environnement sain à l'intérieur de mon bide, histoire de réessayer une "vraie grossesse".
Forcément, j'ai fait un déni de pilule. Je l'ai prise n'importe quand, n'importe comment et réflexion faite, je crois même que j'ai fait exprès de ne plus la prendre au moment de mon ovulation. Je ne voulais plus rien, je voulais juste, rien. C’était une période de rien. Même avec lui. Je ne voulais plus de lui.
Il s’époumonait pourtant à vouloir « m’enceinter ».
Notre relation partait en sucette. La fin d’un monde. Séparation.
De mon côté, enfin seule et célibataire, je reprenais ma vie avec une énergie « folle ».
Une amie m'avait dit que le capital génétique de mon bébé mort était inscrit à jamais dans mon corps, alors j’ai commencé à parler en moi.
A parler à mon bébé… Tout le temps.
J'ai aussi commencé à avoir des aigreurs, des douleurs, des sautes d'humeurs. Tout mon être a déconné, mais je m’efforçais de tout trouver « normal ».
Je m’efforce d’être cette fille géniale, de rester cette fille géniale…
J'ai des maux de ventres… Surtout ne jamais se dire le mot "nausée", prendre cette habitude, sinon je vais être déçue encore quand mes règles vont arriver...
Je ne suis jamais sortie de mon troisième mois de grossesse. Je vis un éternel troisième mois de grossesse. Sans grossesse…
Après mes règles, la douleur m'oblige à partir du boulot pour aller me coucher alors que je n'ai eu des règles douloureuses que quelques rares fois dans ma vie... Tout ce que je suis souffre. Je ne suis que souffrance.
Mais je n'ai rien puisque j'ai fait un test de grossesse qui était négatif et que mes règles sont bien là, fidèles à chaque rendez-vous…
Et puis tout se calme. J’essaie.
J’accepte l'idée que bébé est mort matériellement et pour tenir, je me suis inventé un enfant imaginaire qui vit en moi et que j'aime si profondément, comme jamais je n’ai aimé personne, même pas lui, même pas moi.
Je continue de parler avec mon bébé imaginaire, je m’autorise à lui attribuer mes douleurs physiques maintenant, mais j'ai bien stipulé à mon cerveau que c'est un bébé factice, une béquille pour m'aider à tenir. Il n'existe pas et je prie pour qu'un jour je sois vraiment enceinte. Tous les jours. Dans ma salle de bain, à genoux, tête baissée sous le jet d’eau, je prie pour mon bébé.
J'ai de plus en plus de douleurs dans le bas ventre, je me sens pleine de sang, mais je pèse 54 kg, j'ai perdu beaucoup de poids, je suis très maigre, les autres me disent de manger, que je fais peur, qu’on voit mes os… Mes règles sont là et j'ai dit à mon cerveau, « c'est pour de faux ». Pour que je ne sois pas trop triste et puis j'aime tellement ma fille imaginaire que je serais trop déçue... Oui, c’est une fille… Et mes règles viennent, reviennent, reviennent encore… Mais c’est pour de faux, tout est faux. Sauf mon bébé, ma fille. Mais j’ai bien dit à mon cerveau pourtant…
Je suis en errance. Totalement perdue.
Mes seins ne gonflent plus depuis des semaines, même pas avant mes règles.
Alors je m'inquiète. Je scrute mon corps. Je suis obsédée par lui. Je dissèque ses moindres mouvements.
Il me manque quelque chose. J’étouffe du manque d’amour. Je veux Homme. Lui sans moi, ce n’est pas possible… Lui et moi, c’est moi. Je suis bancale. Alors…
Médecin. Trop de monde qui attend, plus envie, je m'en vais.
« Et chez le gynéco ? » demande Homme, à nouveau autorisé, accepté à m’approcher par téléphone seulement... Non ! Il va me prendre mon bébé. Je ne veux pas qu'il me prenne ma fille imaginaire, qu'il me prenne pour une folle, qu'il me dise que je mens. Ils ne me prendront plus jamais mon bébé ! Je préfère le garder en moi, quitte à mourir avec et ils ne le trouveront pas, il est à moi.
Et si on allait chez le gynéco ? Ce bon Dr Connard. Redemande Homme qui a réussit à se rapprocher avec un peu de temps, sans se faire assommer... Non !
Allez, Ok, on y va, comme ça j'arrêterais d'être folle, je saurais la vérité, ce sera fait... Jour de la consultation, angoisse, sanglots, souvenirs, odeurs de piqure, douleur, angoisse, sanglots... Je veux pas y aller, voir le taré, le voleur de bébé... Ok, comme ça je saurais… Je veux l’affronter. Je veux qu’il voit dans quel sale état il m’a mise !
Salle d'attente : qu'est ce que je fous ici, je m'étais promis...
Voilà le bon Dr Connard.
Symptômes ? Qu'est ce qui vous amène ?
Et là, je ris dans ma tête avec ma fille ! Je lui raconte tous mes symptômes, mais l'air de rien, comme si je ne savais pas et en même temps je ne sais pas puisque je ne veux pas savoir. Je suis trop bien avec ma fille imaginaire, toutes les deux, c'est tout, que nous.
Très bizarre, je sais qu'à la fois je suis en train de lui dire "Bébé est là" et en même temps, je le convainc que je ne sais pas et que lui non plus ne sait pas... Personne ne sait !!! Personne ne saura plus jamais !!! Et c'est super étrange parce qu’il connait ces symptômes que je lui décris et ma fille et moi sommes en train de l'hypnotiser pour qu'il ne comprenne pas et... il ne comprend pas !
Et plus je lui donne d'indice dans un ordre hypnotique et moins il comprend et plus je jubile dans ma tête, comme si je gagnais encore un combat, comme si j'atteignais un but, comme si je gagnais encore ma vengeance : ils ne me la prendront pas !
- Déshabillez vous, on va regarder tout ça...
(Eh Ducon, "tout ça" c'est ma fille et moi ! Pas grave, il ne nous verra pas... C'est nous qui gagnerons ce combat.) Je me déshabille, je m'allonge, jambes écartées, mains sur mon sexe pour le cacher, me protéger...)
Vas y, rentre ton truc glacé en moi...
-Détendez-vous, je ne peux pas rentrer, qu'est ce que vous êtes tendue !
(Et tu n’as pas tout vu !!! Poker face !!! HAHAHA !!! Le grand bluff !!! Tu ne verras rien !!! Par pitié seigneur, fais le dire que ça va, mais...)
Tout a l'air d'aller... Je vois bien l'ovaire à droite, sa taille est normale... Mais... (Merci mon Dieu...) Par contre j'ai du mal à voir le gauche... Pourtant, je suis loin là... (Oui, merci j'ai bien senti... Par contre si tu pouvais enlever ton gros doigt pourri dégueulasse de mon clitoris ! J'apprécierais assez !!!!!!!!!)
Ah le voilà (Tu parles Charles, je vois l'écran comme toi, tu vois makench oui ! On t'a eu ! Victoire !!!)
Je n'aime pas ce gynéco et ma fille imaginaire non plus... Si un jour elle veut sortir, ce ne sera pas par lui... Beurk, dégueulasse ! Il ne nous aura plus. On a gagné. Je lui ai caché mon bébé. Je l’ai protégé de lui. Il ne me la prendra plus. Plus jamais. Je le hais.
Puis un jour comme un autre, une femme m'a raconté sa grossesse bizarre. Des seins qui grossissaient sans gros ventre, des analyses qui ne voyaient rien, des tests de grossesses négatifs, des douleurs inexpliquées et ses règles toujours au rendez vous. Je crois que c'est à ce moment que j'ai arrêté d'avoir honte de ma fille imaginaire, que j'ai commencé à me dire que ce serait un bonheur que l'imaginaire soit réalité plus tard, mais pas tout de suite, parce que je veux garder ma fille pour moi. Juste nous.
C'est à ce moment que j'ai commencé à demander encore plus fort qu'on me donne mon petit bébé.
C'est à ce moment là que je me suis mise à grandir et à vouloir devenir une femme non plus seulement normale, mais aussi libre et indépendante en même temps, une maman. Une femme qui peux porter un bébé, élever un enfant. Moi, Clémence, une femme, maman.
Je n'ai plus pleurer mon bébé le jour où je l'ai caché dans mon ventre et où je l’ai protégé, à l'abris de tous ceux qui avaient pensé que j'étais incapable de l'assumer, à l'abris de moi même qui me crois trop « petite » pour l'élever, à l'abris de ma mère qui m’étouffe dans mon enfance, à l'abris de mon père qui me dit toujours que c'est trop de boulot et que cette nouvelle génération est mal élevée et qu'il aimerait avoir la paix, à l'abris de Homme qui n’a jamais voulut remarquer qui j'étais, à l'abris de mon boulot où bébé = arrêt, à l'abris de ma passion dévorante pour mon travail qui me fait ne pas vouloir m'arrêter pour ne pas perdre mon peu de notoriété, à l'abris des hommes, des femmes, des cons et des trop bons, à l'abris du monde et de l'obligation d'avoir du fric…
J'ai passé la journée à me rappeler les trois tests de grossesses qui avaient marqué un tout petit trait, contre la douzaine qui me faisaient nier... Me rappeler mes goûts alimentaires bizarres, mes colères excessives, mes larmes sans raison, mon énergie dévastatrice, ma maigreur inquiétante, les fois où je m’étais arrêté de manger.
J'ai passé la journée avec mon bébé.
Est ce qu'elle est là ? Mystère. Je suis la mère d'une petite fille imaginaire, je l'ai même fait accepté à son papa et sincèrement, pour l'instant, ça me va, je ne peux pas plus ça.
Cet article était rempli d'un autre intitulé L'épisiotomie www.accoucherautrement.free.fr Photo : http://www.bonjour-docteur.com/upload/article/214-Episiotomie.jpg qui a fait 76454 vues