Les femmes mettent aujourdâhui plus de temps à accoucher quâil y a 50 ans, révèle une étude du National Institute of Child Health and Human Development ( NICHHD) aux Ãtats- Unis.
Chez les femmes qui ont leur premier enfant , la phase de dilatation du col de lâutérus dure en moyenne 2,6 heures de plus aujourdâhui que dans les années 60, révèle lâétude du NICHHD. Chez les femmes qui en sont à leur deuxième accouchement ou plus, cette phase du travail est allongée de 2 heures. Les chercheurs ont compa ré et a nalysé 140 000 accouchements des années 60 et des années 2000.
PHOTOS. COM
Pourquoi cette augmentation de la durée du travail ? Plusieurs facteurs sont avancés. Les femmes qui accouchent sont désormais plus âgées ( quatre ans de plus en moyenne). Elles ont aussi un indice de masse corporelle plus élevé, soit 24,9 contre 23 pour la génération précédente. Les enfants tendent à naître cinq jours plus tôt et à être plus lourds. « Ces facteurs nâexpliquent pas à eux seuls la différence dans le temps de travail. Dâautres recherches seront nécessaires » , indiquent toutefois les auteurs de lâétude.
Le recours répandu à la péridurale serait notamment en cause. Plus de la moitié des femmes qui accouchent y ont recours afin de diminuer la douleur. Câétait à peine 4% dans les années 60. Auquébec, la tendance est la même. Or, on sait que la péridurale contribue à lâaugmentation de la durée du travail. Le recours plus important à la péridurale est associé à un plus grand nombre dâinterventions, notamment le recours à la césarienne.
Et si câétait surtout parce quâon nous faisait pousser trop tôt?
Retarder la poussée
« La péridurale a un effet connu sur la durée du travail avant les poussées. Il faut donc réajuster les attentes en fonction de ces effets et mieux comprendre la physiologie de la femme sous péridurale, indique le Dr William Fraser, obstétricien et chercheur de réputation internationale en médecine foetale et en épidémiologie au CHU SainteJustine. On a démontré quâil nây a pas urgence à faire pousser une femme. Si la femme est confortable, on peut avoir une approche dâattente et laisser lâutérus faire descendre le bébé. En général, câest sans danger pour le bébé. »
Retarder la poussée aurait plusieurs bienfaits, selon le Dr Fraser. « Lorsquâon préconise lâapproche dâattente, la durée des poussées serait réduite et les femmes moins épuisées » , indique lâexpert. « De plus, lâattente réduirait les accouchements difficiles et, du coup, lâutilisation des forceps avec rotation et les césariennes. Il y aurait une augmentation de lâaccouchement vaginal spontané. »
Selon le Dr Fraser, les pratiques dâaccouchement sont en train de changer. « Je pense que lâapproche a beaucoup évolué ces dernières années au Québec. On encourage maintenant les femmes à patienter avant de pousser. Dans la plupart des milieux, on a adopté cette façon de faire. » Lâépisiotomie a dâailleurs beaucoup diminué, dit- il, avec une incidence de 15% à 20% aujourdâhui, plutôt que 80% à 90% dans les années 60 à 80.
Médecin français spécialisé en accompagnement à la naissance, la Dre Bernadette de Gasquet croit que, encore aujourdâhui, les femmes poussent mal, trop tôt et trop longtemps, surtout en Amérique du Nord. Elle était de passage à lâuniversité Laval le mois dernier pour donner des formations aux professionnels de la santé sur son approche, la méthode de Gasquet. Elle vient tous les ans.
« Au Québec, câest pire quâen France. Les infirmières accoucheuses sont habituées de faire pousser dès que le col est ouvert, elles nâattendent pas que le bébé descende sur le périnée. Câest idiot de pousser quand bébé nâest pas là : il supporte mal, on épuise la mère et on fait descendre les organes. »
Après un premier accouchement, une femme sur deux souffre dâune incontinence urinaire occasionnelle. « La
descente dâorganes à lâaccouchement nâest pas bien démontrée. Jusquâà maintenant, câest plutôt une croyance » , souligne toutefois le Dr Fraser.
Accoucher autrement
Les poussées hâtives, mais aussi la position gynécologique devrait être repensée, selon la Dre de Gasquet , auteure du livre Périnée, arrêtons le massacre ! ( Marabout). « En principe, il ne faut pas pousser, mais ouvrir. Avec la position gynécologique traditionnelle, on propose une position qui ferme derrière et qui pousse vers lâavant, ce nâest pas du tout la trajectoire naturelle, dit- elle. Naturellement, la femme veut lever les fesses, fermer les genoux et sâétirer vers lâarrière et elle a raison. On lui fait plutôt faire des " crunchs", câest une ineptie. »
La méthode de Gasquet â ou lâapproche posturo- respiratoire â propose une poussée plus naturelle. La Dre Myriam Tremblay, qui pratique des accouchements au Pavillon Saint- François d âassise du CHUQ, a adopté cette façon de faire. « Je pense que la femme qui accouche améliore les axes du bassin et facilite le passage du bébé si elle adopte la bonne posture et quâelle respire bien. Son diaphragme est libéré et il y a moins de pression sur le périnée. »
« Il y a une grande demande pour les maisons de naissance aujourdâhui. On doit sâinspirer de ce qui sây fait et faire davantage confiance aux femmes, croit la Dre Tremblay. Dans les hôpitaux, avec tous nos protocoles et nos équipements, ce nâest pas simple dâaccoucher comme on veut. Même sous péridurale, les femmes pourraient bouger. Les médecins se disent ouverts, mais bien peu sont prêts à faire accoucher dans dâautres positions que la classique, sur le dos. » Elle croit que la méthode de Gasquet, avec la présence dâune accompagnante à la naissance, permet une baisse des interventions. « Jâai des témoignages de mes patientes qui sont convaincues que ça a facilité leur accouchement, mais les preuves restent à faire » , note- t- elle.
Accroupie, en grenouille, à quatre pattes, couchée sur le côté? Il nây a pas de position miraculeuse. « Plusieurs études ont comparé diverses positions dâaccouchement ( accroupie, avec ballon) sans noter de différences notables » , indique le Dr Fraser. Par contre, la position latérale gauche est, selon lui, une approche intéressante.
« Câest une position favorable pour lâoxygénation du bébé, confortable pour la mère et je pense que ça permet aussi la rotation du bébé dans des positions qui peuvent être plus difficiles. » Il y aurait moins dâépisiotomie, de déchirures et dâaccouchements assistés, selon lâexpert. « Lâidée dâaider la femme à trouver des positions confortables sans avoir à se conformer à une norme a plein de bon sens. »
« La façon de faire nâest pas simple à changer, dit la Dre Tremblay. On a nos appareils, nos vieilles habitudes, il y a encore des réticences, mais de moins en moins. Si je peux offrir un milieu sécuritaire qui permet aux femmes de sâépanouir lors de lâaccouchement, alors jâai fait un bon job. »
lapresse.newspaperdirect.com/epaper/viewer.aspx