Auto-édition : écrire sa propre histoire, de A à Z.

La vie comme un art

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Quoi de plus pratique qu'un livre pour transmettre aux siens le témoignage de toute sa vie, de sa façon de penser et de son expérience ? A l'heure où l'oralité perd sa place, où l'éducation est déléguée à d'autres empêchant les membres d'une même famille de se connaitre et où l'écrit est gage de survie de l'information dans le temps, il est intéressant d'envisager l'option d'écrire soi même sa propre histoire dans un livre papier pour le léguer à sa lignée comme outil d'éclairage de leur chemin...

Quand on pense à écrire un livre, la tâche parait si énorme qu'on ne sait pas par où commencer... Dans l'esprit des citoyens lambdas qui ne sont pas habitués à travailler les mots et à formaliser leurs pensées, à l'organiser pour la retransmettre, le fait d'écrire un livre est un exploit qui ne s'adresse qu'à une petite partie de la population, très éduquée et qui maîtrise, en plus de l'orthographe et de la grammaire, les codes secrets de l'écriture.

C'est fini ça.

Le milieu du livre est encore un milieu très fermé avec des codes strictes et un véritable marché qui ne fait pas sa place à tous et à toutes. Mais le monde de l'impression lui s'est récemment fracturé grâce à Internet et une ouverture béante laisse la porte ouverte à tous pour se lancer dans l'auto-édition à n'importe quel coût. Je ne parle pas de vendre son livre en version numérique à petit budget chez Amazon par exemple. Je parle de créer soi même l'objet livre et en assurer sa diffusion auprès des siens, sa vente et sa promotion en réel.

Je suis toujours assez fascinée par les niches dans les blockbusters... Ces secteurs qui sont vampirisés par une caste qui interdit aux quidams moyens de profiter du plaisir de l'activité. C'est le cas pour la mode, l'art, l'information, tous les métiers un peu fun, mais aussi pour les livres... La dictature de la pensée est encore plus forte dans le monde de la transmission de la pensée qui oblige aux respects de ses règles, même dans l'irrespect de ses règles...

J'ai donc fait le test il y a 2 ans, de suivre un parcours classique d'une écrivain débutante qui souhaiterait écrire son livre, l'imprimer elle même et en assurer toute la distribution et la promotion.

Première étape : écrire le livre ! Et ce n'est pas une mince affaire ! Grâce à Dieu, j'avais reçu dans ma prime jeunesse les conseils d'un ami écrivain qui m'avait dit "ne te demande pas comment tu vas écrire ton livre. Si tu veux écrire un livre, écris. Des bouts de textes, des humeurs, des impressions, des poèmes... Quand un texte te passera par la tête, écris le et conserve le. Quand tu auras assez de textes, tu pourras les regrouper et alors tu verras que ton livre s'est écrit lui même et tu en comprendras le sens. Ce n'est pas toi qui va chercher le livre, c'est le livre qui va se montrer..."

C'était un ami très cher. De plus de 60 ans mon aîné. Qu'il repose en paix.

J'ai donc commencé à écrire, tout le temps, partout, des bouts de textes, des statuts Facebook, des légendes Instagram, des post Linkedin, des articles, des sujets de forum. J'ai écrit partout où je pouvais être à peu près sûre que l'information serait conservée et que je pourrais revenir en arrière pour rechercher ma matière et assembler mon livre. Quand j'avais besoin d'un personnage, je le créais, quand j'avais besoin d'un sentiment, je le vivais, toujours par écrit, j'ai fait avancer mon livre aussi vite que ma vie en les fusionnant partout, j'ai intimé l'ordre à la fiction de s'infuser dans ma réalité et j'ai prévenu ma réalité de son irréalité potentielle. J'ai amené dans ma danse alphabétique tout ceux et celles qui voulaient m'y rejoindre, de plein gré, ou pas...

Quand le temps est venu, je me suis astreint à une rigueur quotidienne pour centraliser mes textes. A grands coups de copier/coller j'ai réunis chaque morceaux sur le même document Word, sans vraiment voir la cohérence de tout ça, dans un ordre chronologique puisqu'il m'en fallait un, d'ordre...

Et puis est venu mon personnage principal, comme un miracle qui éclaire le texte et lui donne une cohérence...

Une fois ce travail effectué, j'ai encore durci la rigueur pour m'imposer un temps d'écriture tous les matins. Après avoir déposé les enfants à l'école je me rendais dans un café pour rédiger mon texte avec pour consolation le droit de stalker l'homme que j'aimais à la fin de mon travail s'il était bien fait... Mon travail... Etrangement, ça a fonctionné. Jour après jour, je trouvais une cohérence à mes textes, je comprenais une structure du livre, une ossature naissait et je déjouais des pièges, dénouer des incohérences et comme une Maison qui se construit je bâtissais mon roman...

J'ai pris beaucoup de temps parce que je n'avais jamais l'impression que mon livre était fini, je revenais sans cesse dessus pour le changer, le parfaire, le retravailler et au bout d'un moment, j'ai compris que c'était le lot du livre. Il est comme ça : jamais fini. Il y a toujours quelque chose à refaire à l'intérieur, à redire, à parfaire, à expliquer... Mais je voulais avancer et faire mon expérience et je devais m'en séparer. Je devais mettre un terme à notre relation de travail alors je l'ai fait. J'ai posé le point final. Fini. A l'infini...

Après une petite recherche sur Internet j'ai trouvé une Maison d'impression pour mon livre et j'ai lancé la commande des premiers exemplaires.

Je voulais voir comment était reçu mon livre par mon entourage proche dans un premier temps, tester les réactions dans un cercle restreint d'une petite quinzaine de personne et je dois dire que j'ai été amusé de constater que les gens sont très réceptifs au projet et sont enclins à acheter un livre auto-édité pour faire plaisir à l'écrivain, que le sujet les touche ou pas.

Dans la première version de mon livre, toutes les femmes que j'ai sélectionné pour le lire sont devenu enceinte dans les semaines qui ont suivi.

Par contre, dans la deuxième version dans laquelle j'ai incorporé plus de revendications militantes, j'ai été amusée de constater qu'apparemment mon livre était devenu quelque chose comme dérangeant... Voir mal-aisant. Cela n'a pas permis au bouche à oreille de fonctionner et je pense que sa lourdeur a empêché sa diffusion car il était bloqué dans l'intimité des lecteurs... Le regard que les gens qui ont acheté mon livre portait sur moi a changé également, il est devenu fuyant et pour celles et ceux qui ont continué à me parler, ils n'ont strictement jamais abordé le livre avec moi. Toutes les histoires ne sont pas bonnes à dire à tout le monde, mais j'avoue que malgré ce mystère, j'ai gagné quelque chose dans cette opération : je suis moi même. Un livre ouvert. Transparente. Ma pensée est écrite dans mon livre et je l'assume. Je peux l'expliciter, j'ai pris le temps de la donner. C'est une sensation puissante.

Pour aller plus loin dans l'expérience, je me suis demandé si les librairies accepteraient de vendre mon livre. La réponse est oui. Globalement, les librairies sont assez ouvertes à vendre des écrivains locaux, même si les commissions qu'elles prennent sur les ventes sont assez grandes, de l'ordre de 40%, le gain sur le livre reste toujours largement supérieur à ce que rapporterait un livre chez une maison d'édition. Et c'est très important pour la vie du livre. Parce qu'on n'a pas toujours la possibilité de recevoir les lecteurs chez soi ou de participer aux différents salons qui sont sous la coupe de l'intelligentzia du livre que je souhaitais éviter à tout prix dans mon expérience... Le fait d'avoir un point de vente réel permet d'envoyer nos lecteurs potentiels s'approvisionner dans un lieu physique accessible, cela nous rend plus crédible et c'est important pour faire la promotion du livre. Librairies indépendantes et de quartier, petites associations culturels, boutiques, restaurants, vides-greniers, autant d'intervenants importants si on souhaite conserver son indépendance et sortir des sentiers battus.

J'ai été très déçue par contre par ma bibliothèque de quartier qui a été très peu réceptive à mon livre, mais je ne prends pas cet exemple pour argent comptant car j'avoue que par paresse je n'en ai testé qu'une... J'ai entendu par une autre écrivain qu'il est possible de laisser des exemplaires de ses livres dans les bibliothèques de quartiers pour qu'ils puissent être consultés et empruntés, mais ce n'était pas dans mes envies.

Ce qui m'importait vraiment dans cette expérience c'était de voir, de vivre comment une jeune écrivain inconnue qui ne souhaite pas faire partie de la meute est reçue quand elle se lance en indépendante et si l'expérience vaut le coup.

Je pense que cela vaut très, très largement le coup. Parce que je n'ai pas joué le jeu marketing du tout et malgré cela mon livre a été proposé à la vente. Même si j'avais commencé par créer un livre répondant aux normes de vente comme on peut le voir dans la boutique du site, j'ai tout cessé et je n'ai pas mis de titre sur la couverture, pas de 4ème de couverture pour "me vendre", pas de photo de moi pour jouer sur mes atouts, je n'ai pas expliqué de quoi parle mon livre et pourquoi j'en parle, je n'ai pas envoyé de petits mots doux à mes amis de la presse et j'ai commencé mon livre par insulter les lecteurs en leur demander de faire avec mes fautes d'orthographe. On a de l'humour ou on en a pas ! Et malgré tout cela, le simple fait d'avoir pu écrire mon livre librement, sans aucune contrainte d'expression, d'avoir pu dire ce que j'avais à dire et de pouvoir le proposer ici dans mon propre espace, c'est inestimable.

Il était très important pour moi de dire quelque chose à travers cette expérience, au delà de ce que j'avais à dire dans mon livre... Je souhaitais dire à toutes les petites Carole Hofbauer qui grandissent en griffonnant sur des cahiers de brouillon seule dans leur chambre au fin fond de Lormont Carriet, que c'est impossible, mais qu'on l'a fait. On leur a ouvert les portes. Qu'elles peuvent venir avec leurs fautes, leur dyslexie, leur envie de ne pas se vendre et d'écrire quand même, elles peuvent imaginer des couverture qui ne répondent qu'à leur seule envie de transmettre et pas à des normes qui ne parlent pas d'elles. Elles peuvent écrire des livres qui dérangent et en rire toute seule ou à plusieurs sans avoir à se faire rabaisser par des gens qui imposent un business qui fait passer à l'as des informations dont tout un public aurait pourtant bien besoin. Elles peuvent avoir du talent sans être pédophile et s'exprimer quand même. Chaque écrivain a son public. Le tout est de vouloir vraiment le rencontrer et ça, c'est une autre histoire. Personnelle.

 


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