Première naissance en France à partir d'ovocytes congelés
Mots clés : ovocytes, embryon, bioéthique, Pr René Frydman
Par Sandrine Cabut
03/11/2010 | Mise à jour : 21:32 Réactions (2)
Le Pr Frydman a dû contourner la loi française qui devrait être révisée en 2011.
C'est une nouvelle première française dans le domaine de la procréation à mettre à l'actif du Pr René Frydman. Le célèbre gynécologue-obstétricien, père du premier bébé-éprouvette français en 1982, vient d'annoncer la naissance dans son service de l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart, de jumeaux conçus à partir d'ovocytes congelés. La maman et les deux enfants, Jérémie et Keren, (3,2 kg et 2,8 kg), nés mardi, se portent bien.
L'exploit n'est pas tant du côté technique que dans l'audace de ce pionnier d'avoir flirté avec l'interdit. «La loi autorise, dans des conditions de risque de perte de fertilité pas bien définies, à préserver des ovocytes par congélation, mais pas avec la méthode la plus performante (la vitrification, ou congélation ultrarapide) sous prétexte que toute innovation est assimilée à de la recherche sur l'embryon», a-t-il expliqué mercredi à l'Agence France-Presse, en précisant avoir eu recours pour la femme qui vient d'accoucher à «une technique de congélation lente».
Dans le monde, plus d'un millier d'enfants sont nés à la suite d'une cryopréservation d'ovules, notamment au Japon, en Espagne, ou encore au Canada. Ces techniques, en particulier la vitrification d'ovule, sont destinées avant tout aux femmes atteintes de cancer et qui doivent subir un traitement pouvant altérer leur fertilité. Leurs gamètes sont congelés avant le traitement pour être décongelés le moment venu en vue de réaliser une fécondation in vitro. L'interdiction d'avoir recours en France à ce procédé de vitrification a suscité bien des débats.
Dans la dernière livraison du Nouvel Observateur, où il donne une longue interview, le Pr Frydman explique qu'il a tenté d'alerter les pouvoirs publics sur ce dossier, mais qu'on lui a demandé d'attendre la prochaine modification de la loi sur la bioéthique (qui devrait être débattue au Parlement début 2011). «Le blocage vient semble-t-il d'une interprétation du Conseil d'Ãtat selon laquelle, si on faisait de la vitrification sur l'ovocyte, on produirait un embryon pour la recherche ce qui est interdit», a précisé l'obstétricien.
Risques de dérive
Selon lui, la congélation d'ovocytes pourrait pourtant modifier la pratique même de la FIV. «Aujourd'hui, on stimule énormément les femmes, avec des effets parfois délétères pour elles. à l'avenir, on pourrait stimuler plus faiblement, congeler les ovocytes et les transférer plus tard, lorsqu'on aura préparé l'utérus à une bonne nidation», dit-il encore au Nouvel Observateur. Un avis partagé par le Dr Pierre Tourame, gynécologue-obstétricien à Marseille. Ce dernier estime que les cryopréservations d'ovocytes auront deux indications principales : les femmes atteintes d'un cancer et celles qui bénéficient de stimulation ovarienne dans le cadre d'une procréation médicalement assistée et qui ont trop d'ovocytes. Elles auront ainsi le choix de faire conserver soit des embryons, soit leurs ovocytes.
«Cette technique était bloquée en France alors qu'ailleurs plus de 1000 enfants sont nés, sans risque avéré reconnu. Il fallait que quelqu'un comme René Frydman se lance et je le remercie de l'avoir fait», conclut le médecin marseillais. Le Dr Jean-Michel Dreyfus, vice-président du syndicat des gynéco-obstétriciens de France (Syngof) est sur la même ligne. «Sur le fond, c'est légitime de pouvoir pratiquer cette technique en France. Il n'y a pas d'avancer scientifiques sans franchir des barrières.» Certains pointent cependant les risques de dérive qui permettraient à des femmes même âgées de devenir mère. «Ce n'est pas en faisant la politique
de l'autruche que la société avancera», répond René Frydman au Nouvel Observateur.
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